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Biographie

La Déferlante est la première revue trimestrielle post-#metoo consacrée aux féminismes et au genre. Tous les trois mois, elle raconte les luttes et les débats qui secouent notre société. Un projet porté par quatre femmes, dont Marion Pillas qui a accepté de répondre aujourd’hui à nos questions.

Marion Pillas est membre fondatrice de la revue et corédactrice en chef de la revue et de sa newsletter.

Semaine contre le racisme dans l'enseignement supérieur : interview de Marion Pillas, fondatrice de la revue La Déferlante
Interview
  • La revue La Déferlante fête sa première année d'existence. Vous avez fait le choix d’un média papier d’une grande qualité visuelle, un objet de « collection ». Est-ce pour affirmer le temps de la réflexion et vous positionner en tant que ressource de référence face à une actualité réputée impulsive et éphémère pour les médias en ligne ?

Le fait de prendre du temps et du recul n’est pas incompatible avec le fait de traiter de l’actualité. Nous proposons juste une temporalité différente. Dans la revue papier, comme dans la newsletter qui parait un vendredi sur deux, nous proposons une lecture des débats et des grandes questions d’actualité (violences sexistes et sexuelles ; discriminations de genre, de classe, de race ; droits des femmes et des minorités) au prisme d’un féminisme intersectionnel. Nos articles se nourrissent des expertises universitaires et militantes et empruntent à tous les formats journalistiques (entretiens, enquêtes, reportages, débats).

  • Si La Déferlante a toute sa place comme ressource dans la lutte contre les discriminations, quel rôle peut-elle jouer, en revanche, auprès de médiateurs de l’information exerçant en particulier auprès d’adolescents et de jeunes adultes ?

Dès l’origine, nous avons pensé cette revue comme une boîte à outils. Nous voulions donner à nos lectrices et nos lecteurs les clés pour comprendre l’époque post-#metoo, leur permettre de se former aux questions féministes et de se sentir mieux armé.es pour prendre part au débat démocratique. La Déferlante veut être une revue qui se lit et se relit au gré des besoins. Nous avons à cœur de donner accès à des contenus clairs et exigeants, avec, selon les articles, différents niveaux d’entrée. Nous avons beaucoup d’étudiantes et de jeunes femmes parmi nos lectrices mais aussi des professeur.es et des documentalistes qui s’appuient sur les articles de notre revue comme support d’apprentissage et de débat.

  • Florence Salanouve, directrice de l'ouvrage Agir pour l'égalité. Questions de genre en bibliothèque rappelait que "l'égalité femme-homme, la lutte contre le racisme et les discriminations […] sont autant de préoccupations qui demandent un travail de longue haleine, qui se situe de façon quotidienne"[1]. La Déferlante revendique cette temporalité du quotidien notamment dans le choix des titres de ses dossiers (s’aimer, manger, parler, naître, se battre). Est-ce que l’éducation aux médias doit s’adapter à cette temporalité pour accroître son efficacité ?

Il est certain qu’évoluant à une époque où les discriminations de genre, de classe ou de race sont encore quotidiennes, La Déferlante doit jouer un rôle actif dans le questionnement de ces logiques. Aussi bien dans les sujets qu’elle choisit de traiter que dans la manière dont elle s’organise en tant que collectif de travail. Nous menons par exemple, et ce depuis le tout début, un travail de fond pour une juste représentation des personnes racisées et trans dans la revue, aussi bien dans son comité éditorial que dans ses collaborations avec les auteur·es et les pigistes. Dans les secteurs des médias et de l’édition, les acteurs sont encore majoritairement masculins, blancs et bourgeois, la présence de personnes racisées, issues des classes populaires, ou de minorités de genre ne va pas de soi. Elle implique un travail de remise en question constante de nos biais par la prospection et l’écoute de récits et de voix alternatives souvent invisibilisés.

  • La chercheuse Isabelle Collet dans un entretien accordé au BBF proposait de donner des cours sur le genre aux enseignants pour déconstruire les modèles stéréotypés. D’autres chercheurs suggèrent de confronter les enfants à la pensée analytique dès le plus jeune âge. En tant que responsable de média, quels seraient pour vous les leviers et les cibles à privilégier dans un cadre éducatif pour se prémunir des discours oppressants ou discriminants ?

Nous avons parmi les retours de lectrices et de lecteurs de nombreux témoignages de professeur·es que nous sentons très impliqué·es dans un processus de déconstruction des stéréotypes de tous ordres. Mais c’est un travail qui ne peut se faire qu’en collaboration avec les familles et, plus largement, qu’avec l’ensemble de la société. Les médias, spécialisés comme généralistes, ont aussi une vraie responsabilité. Il est nécessaire de questionner les logiques de genre, de classe, de race dans tous les domaines de la société. Nous le faisons en tant que revue féministe, et des médias plus mainstream participent à cette action à travers des émissions spéciales, des enquêtes mais aussi en mettant en place des instances de réflexion dans leurs propres rédactions comme au Parisien, ou à Mediapart. Les travaux journalistiques, la création de nouveaux médias comme La Déferlante, le développement de la production éditoriale sur ces thèmes depuis cinq ans sont autant d’outils dont peuvent s’emparer les enseignants et les éducateurs pour ouvrir le débat avec les plus jeunes.

[1] Voir son entretien en ligne.

Propos recueillis par Cédric Vigneault le 10/03/2022