Visuel
Félix Côte
© Cédric Vigneault / Enssib
Biographie

Félix Côte est né en 1993 à Angoulême et est artiste plasticien basé à Grenoble.

Il fait d’abord des études d’ingénieur et poursuit avec le master Arts, Sciences et Technologie. Son travail s'articule autour d'une utilisation critique des nouvelles technologies et du numérique. En les détournant, Félix crée des installations qui place le public face à ses propres pratiques. Sa démarche artistique est en quête de zones abandonnées et mal connues pour trouver ce que les machines font peu, font mal ou ne savent pas faire. Son travail est pour lui plus un moyen de poser des questions que d'apporter des réponses.

La Formation des Fossiles est une série d’installations en 3 chapitres initiée en 2020. Elle explore la construction de la mémoire à l’heure du numérique et de l’obsolescence de ses supports. La trilogie propose un voyage vers les espaces les plus reculés du réseau et invite à la réflexion autour de trois grands thèmes contemporains : l’archive, la dégradation de la donnée et le droit à l’oubli. Ces thèmes sont respectivement traités au sein des chapitres Impression, Érosion et Disparition. Suivre sur instagram

Photo © Cédric Vigneault / Enssib

Félix Côte, artiste plasticien - installation La Formation des Fossiles, utilisation critique des nouvelles technologies et du numérique
Interview
  • Vous créez des anti-algorythmes. C’est une démarche militante ?

Oui, avec La Formation des Fossiles, je cherche à créer des algorithmes qui montrent de façon sensible la data présente sur les réseaux sociaux. Je crée des programmes qui mettent en avant des éléments que nous n’avons pas l’habitude de voir sur Internet. Je prends le contre-pied des algorithmes développés par les grandes plateformes du web qui ont tendance à privilégier le contenu qui suscite l’engagement, et donc le temps passé en ligne. Dans ce travail, je fais l’éloge du non-engagement, démarche s’inscrivant dans une lignée militante plus large qui propose un mode de vie basé sur le « moins » plutôt que le « plus ». Une sorte de décroissance numérique.

  • Pourquoi vous intéresser à ce qui passe inaperçu, les tweets non retweetés ?

Ces tweets font partie de l’installation Impression, premier chapitre de La Formation des Fossiles. Il s’agit d’abord pour moi de répondre à une question que je me pose depuis longtemps vis-à-vis des réseaux. Que se passe-t-il dans l’ombre ? Qu’est-ce qu’on y publie ? Comment s’y exprime-t-on ? Mon travail commence par ça. Ensuite, je développe avec ce contenu une réflexion sur le choix des objets que nous souhaitons intégrer à notre mémoire et à notre patrimoine culturel. J’imprime sur papier ces tweets passés inaperçus afin de constituer une archive. Je souhaite rendre hommage et conserver cette parole aujourd’hui invisible et pourtant pleine d’humanité. À terme j’aimerais que ce travail intègre un véritable fonds d’archive et puisse aider dans le futur à reconstituer notre époque grâce à ces éléments qui ensemble créent une voix collective et sincère. Je souhaite nous inscrire, les anonymes des réseaux, à notre patrimoine.

  • Qu’est-ce qu’ils disent de nous ces tweets oubliés que vous archivez ?

Plein de choses ! Ma démarche a été d’abord une démarche d’enquête, je ne savais pas exactement ce que j’allais trouver. J’ai été surpris de voir que ces tweets ignorés sont plein de sincérité. Les gens se livrent et font preuve de bienveillance. Étonnamment, un élément qui revient très souvent est le sommeil, ou plutôt son manque. Les citoyens et citoyennes des réseaux semblent atteint.e.s de fatigue chronique et l’expriment. Surtout, ces tweets révèlent notre capacité à nous exprimer en ligne pour transmettre des choses positives, des encouragements et de l’amour ; contrairement à ce qu’on pourrait penser de Twitter qui, pour beaucoup, est un ring de boxe. En fait, notre humanité et notre tendresse sont bien là, elles ne sont simplement pas mises en avant par les plateformes.

Propos recueillis par Mathilde Larrieu le 17/11/2021